C’est la faute d’Elliot Rodger

Ok, matante sera pas drôle dans celui-ci.

J’ai à quelques reprises parlé de ma conversion au féminisme. La vérité est que ce fut plutôt un éveil. Et l’éveil a été brutal en christ.

http://www.doctornerdlove.com/2014/05/elliot-rodger-price-toxic-masculinity

Le 23 mai 2014, Elliot Rodger a poignardé 3 personnes dans son appartement d’Isla Vista, une ville universitaire de Californie, il est ensuite parti et en a tué 3 autres et blessé 13 avant de perdre la vie.

Elliot Rodger a fait tout ça parce qu’il était vierge. À 22 ans, il était toujours vierge et il trouvait que c’était une insulte personnelle et une injustice inacceptable et quelqu’un devait payer. Dans son vocabulaire, les femmes étaient à blâmer pour sa virginité, car elles lui avaient refusé l’accès au sexe.

Rapidement les médias se sont jetés sur l’histoire et ont mis de l’avant ses potentiels problèmes de santé mentale afin d’expliquer son geste.

Bull. fucking. shit.

Ravaillac était fou, mais il a tué Henri IV parce qu’il baignait dans une atmosphère violente dans laquelle il entendait quotidiennement des gens appeler à la mort du roi païen.

Richard Henry Bain est probablement fou, mais il a tué une personne et en a blessé une autre en tentant d’atteindre Pauline Marois parce qu’il a été nourri des histoires prédisant un holocauste anglophone dans le cas d’une victoire du PQ.

Un problème de santé mentale peut être un élément de la situation, et même un élément très important, mais ce n’est pas une excuse pour occulter les phénomènes sociaux qui poussent ces gens à agir. C’est facile de dire « il est fou » et de passer à autre chose, en ignorant la toxicité qui a allumé le feu. Dans le cas de Rodger, la masculinité toxique. Ce schéma de pensée qui dit à la fois que les femmes sont des biens de consommations promis aux hommes à l’âge adulte, que la valeur d’un homme augmente à chaque femme avec laquelle il couche, et que celle d’une femme diminue avec chaque homme avec lequel elle couche. Dans cette équation, une vierge vaut 100%, un puceau, 0%. Dans cette logique, un vierge de 22 ans est soit défectueux, ou quelqu’un lui a mis des bâtons dans les roues.

L’idée que les femmes sont les Gatekeepers de la sexualité, qu’elles sont hypergames, incapable d’amour inconditionnel, et qu’elles ont la tâche de « donner » du sexe et donc lorsqu’un homme n’a pas de sexe, on lui « dénie un droit » est extrêmement répandue et est tellement profondément inscrite dans notre société qu’avant la tuerie d’Isla Vista, je n’avais JAMAIS remarqué ce système de pensée.

Maintenant je le vois partout, et ça me fait chier. Ce genre de logique justifie la violence et la déshumanisation des femmes et elle est PARTOUT.

  • Elle est dans l’idée qu’une femme ne couche avec un homme que pour améliorer son statut social ou pour « se faire vivre ».
  • Elle est dans l’idée que seul les « mâles alphas » ont droit à une sexualité (c’est de la bullshit même chez les animaux)
  • Elle est dans l’idée que l’amitié entre un homme et une femme est impossible et que de suggérer autrement est insultant pour l’homme. (l’ostie de Friendzone, je me réveille la nuit juste pour pouvoir haïr l’ostie de Friendzone).
  • Elle est dans l’idée qu’une personne est « out of your league » et que vous n’arriverez jamais à l’intéresser, donc, ça sert à rien de faire des efforts.
  • Elle est dans l’idée que si une fille est habillée sexy, c’est parce qu’elle « fait de la pub » pour avoir du sexe. Et si elle dit non, c’est une agace.

Dans la foulé des événements et au fur et à mesure qu’on en apprenait plus sur les idées d’Elliot Rodger, les femmes sur twitter ont commencé à partager leurs expériences avec le sexisme et la misogynie violente avec le hashtag #YesAllWomen et le floodgate s’est ouvert.

Je me suis rendue compte que oui TOUTES les femmes ont eue à un moment ou un autre peur pour leur sécurité à cause de leur genre. Pour ma part, j’ai, à plus d’une reprise, dû prendre des détours pour rentrer chez moi quand je prend mes marches quotidiennes parce qu’un gars à qui j’ai dit bonjour en passant, comme je le fais à toutes les personnes que je croise, s’est mis à me suivre. J’ai, à plus d’une reprise, sursauté quand une voiture qui passe m’as klaxonné et qu’un gars à moitié sorti de la fenêtre m’a crié « grosse torche ».

Je me suis rendue compte que la violence et l’agressivité envers les femmes sont tellement répandus que notre société ne les voient pas. Qu’on dit d’Elliot Rodger qu’il est fou, mais on occulte le fait que sa tuerie est un crime misogyne.

(et avant que vous ne me sortiez une fierté nationale mal placée en parlant de la culture des USA qui est misogyne, mais on est tellement mieux ici au Québec, laissez-moi vous rappeler que:

  • Guy Turcotte a tué ses deux enfants pour se venger de son ex qui est partie avec un autre homme.
  • François Tartamella a tué son ex femme et la fille de celle-ci quand il a perdu les pédales parce qu’elle aurait PEUT-ÊTRE couché avec quelqu’un lors d’un voyage à Cuba qu’elle a fait après leur séparation.
  • La police de Montréal a dû publier des recommandations aux femmes de la métropole de ne pas prendre de taxis seules pour éviter une agression sexuelle.
  • Le fait que l’absence de non a été interprété comme un oui par le jury dans la poursuite pour agression sexuelle contre le l’adjudant André Gagnon.
  • MARC LÉPINE)

La réaction d’une grande partie de la communauté internaute masculine (et même d’une quantité inquiétante de femmes) à la lecture du hashtag #YesAllWomen?

Une prise de conscience des effets des gestes inappropriés que certains hommes ont envers les femmes et des gestes concrets pour les dénoncer?

Une simple reconnaissance empathique de la réalité d’être une femme, du genre « wow, c’est vraiment poche, je suis désolé que vous ayez à subir ce genre de choses »?

Ah vous êtes cute! Quelques personnes ont réagit ainsi et ce fut énormément apprécié, certains hommes ont même participé au #YesAllWomen en partageant des événements dont ils avaient été témoins, mais la réaction la plus vocale a été de créer le hashtag #NotAllMen. Dans le sens de « oui, mais c’est pas tous les hommes qui sont comme ça… »

  1. Euh, c’est pas ce qu’on disait, on disait que toutes les femmes ont subi la misogynie, pas que tous les hommes sont misogynes…
  2. Ah ok, donc comme il n’y a qu’un seul creep qui me talonne et qui insiste pour que j’ailles prendre un verre avec lui quand je marche dans la rue, c’est pas grave, il n’y a pas du tout de problème! Fious! Je suis soulagée! Je vais prendre un sac de M&M et en tremper 2 dans le cyanure. Allez-y prenez vous des M&M! Il n’y a pas de problème, #NotAllM&M.

Ou si vous préférez, en langage approprié pour la maturité des intervenants du #NotAllMen: Oh, PARDON mes pôv ti pouts, en parlant de nos expériences, on avait oublié que vous existiez!!! Honte à nous, méchantes filles…

Ces gars essayaient de s’immiscer dans une conversation qui n’était pas à propos d’eux. Ils essayaient de détourner une discussion au sujet des femmes, pour en faire une apologie de la gent masculine. Ils voulaient qu’on valide leur identité et qu’on les rassurent en leur disant: oui, on sait que TOI t’es pas un méchant, on t’aime toi. Comme un enfant de 4 ans qui demande à toute les 5 minutes à maman « Je suis un bon garçon moi, hein maman? »

Mon ti pout, si le fedora te fait pas, pas besoin de te défendre, ok?

Je ne suis pas parvenue à cette conclusion seule avec mes ovaires frustrés, la personne qui m’a fait réaliser en premier la toxicité réelle du #NotAllMen est Harris O’Malley, aka Dr NerdLove. Un gars.

Bien entendu, les gars qu’il a confrontés et à qui il a dit que cette conversation ne les concernaient pas l’ont immédiatement accusé d’être un White Knight.

Un quoi?

Le white knighting est l’idée selon laquelle un gars va défendre une femme seulement pour se mettre dans ses bonnes volontés. Parce que Dieu sait que tout effort fait à l’avantage d’une femme n’as qu’un seul et unique but: L’accès à son vagin.

Parce que c’est la seule chose à laquelle les femmes sont bonnes, am I right?

Plus je lisais sur le sujet de la masculinité toxique et les événements de Isla Vista, plus je tombais sur des déclarations féministes et plus je me rendais compte d’une chose hyper simple, mais hyper puissante:

Je suis une féministe. Et je peux changer les choses en déclarant que je suis une féministe. Et en expliquant ad nauséam ce qu’est le féminisme.

  • Le féminisme dit qu’Elliot Rodger avait tort: sa virginité ne faisait pas de lui un sous-homme, il n’était pas lésé dans ses droits et les femmes ne lui ont pas barré la route vers le statut de vrai homme.
  • Le féminisme dit que les hommes valent autant que les femmes, et que les femmes valent autant que les hommes et le nombre de partenaires sexuels d’une personne n’as rien à voir avec sa valeur, les gens ne sont pas des biens de consommation qui perdent ou prennent de la valeur selon « l’usure ».
  • Le féminisme dit qu’un homme n’a pas à être un athlète pour être intéressant.
  • Le féminisme dit que l’hypergamie, c’est de la bullshit, parce qu’on peut avancer socialement par nous-même, il n’est pas nécessaire de le faire en couchant avec des hommes importants.
  • Le féminisme dit que la sexualité est un travail de collaboration et non pas une faveur qui doit être accordée.
  • Le féminisme dit que le consentement ce n’est pas travailler à éviter un non, mais obtenir un oui enthousiaste.

Je ne hais pas Elliot Rodger. J’ai plutôt un énorme sentiment de tristesse quand je pense à lui, à combien il devait souffrir.

Mais je hais ses opinions, viscéralement. Et je n’accepterai JAMAIS sa logique.

Je lutterai jusqu’à mon dernier souffle pour prouver qu’il avait tort.

Vous avez une question dont vous voudriez que Matante discute? Quelque chose vous chicotte et vous aimeriez avoir une opinion ouverte et respectueuse? Écrivez à Matante, votre question sera traitée anonymement sur le blogue. Peu importe le sujet, je suis curieuse et j’aime aider. RealMatanteElise@gmail.com

6 réflexions sur “C’est la faute d’Elliot Rodger

  1. Il y a trop d’elements dans ton texte… Je devrai le relire! Mais first, je tiens a dire que mon 1er chum etait probablement un homme atteint de masculinite toxique. Merci Elise, j’ai compris plusieurs hoses

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      • Serieux, je pensais que mon ex etait juste fou, ou schizo. Mais il avait besoin de se sentir le plus fort dans le couple en procedant surtout par manipulation ou tout simplement en me ridiculisant. Il n’avait aucun respect, pour aucune femme. On etait des choses pour lui. Je sais qu’il a maintenant un garcon et ca m’attriste pour le bebe, c’est pas drole…

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  2. Féminisme n’égale pas être contre les hommes, masculinisme n’égale pas être contre les femmes, à mon avis lorsqu’une personne est irrespectueuse il est trompeur de dire de lui ou d’elle qu’il fait partie d’un groupe ou d’un autre car son geste démontre le contraire. Son action démontre qu’il ne respecte pas l’idée même du masculinisme ou du féminisme. Pour ma part je suis équilibriste car pour afficher ce que nous sommes il est dangereux de se faire cataloguer dans un camp ou dans un autre, il faut être en équilibre entre les deux. Pas certain d’être claire mais au moins je me nomme Pierre 🙂

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    • Un équilibriste fait je l’acrobatie, un humaniste fait de la philosophie, un féministe demande l’égalité des droits, la masculinité n’est problématique que lorsqu’elle est toxique. Les mots ont une signification et il ne faut pas rejeter l’étiquette de féministe ou de masculin, de peur de passer pour un misandriste ou un misogyne. Au contraire, il faut d’autant plus déclarer son appartenance au groupe et expliquer clairement son but. C’est mon avis à tout le moins. Un homme bien qui est masculin et qui l’assume dans le respect est la meilleure pub pour la masculinité de l’univers. Penses juste à Hugh Jackman, pas plus testostérone que lui, mais il est gentil, tendre, drôle et respectueux. C’est un homme masculin, mais ils est merveilleux et absolument pas toxique.

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