Rôle : Jimmy Logan

Très cher Steven Soderbergh,
Je suis désolée, sincèrement. Je comprend maintenant que je t’ai très mal jugé par le passé et je te présente des excuses. Bien qu’ayant une idée générale du fonctionnement de la machine, je me suis rendue compte que je t’ai mis des reproches sur le dos que tu ne méritais pas entièrement.
J’ai aussi des remerciements à t’exprimer. Pour avoir fait Logan Lucky de cette façon. Ton « Ocean 7/11 » m’a prouvé l’erreur de mon évaluation.
Tu es capable de subvertir les attentes de ton auditoire, tu peux jouer avec les clichés de façon compétente, j’avais tors. Est-ce l’expérience qui t’a permis de prendre le concept de Ocean et l’appliquer à une gang de trailer park redneck? Probablement, mais je pense que la grande liberté de mouvement que tu as obtenu en faisant ce film sans l’intervention d’un studio et en vendant directement la distribution à l’avance pour le financer a beaucoup à voir aussi. Et c’est pourquoi je te présente mes excuses.
Parce que Logan Lucky me rappelle que tu es un excellent raconteur et un dirigeant d’acteur comme on en voit malheureusement peu. Ryan Jonhson l’a lui aussi cette touch qui traverse l’écran. Logan en déborde. Personnne dans ce film est un mauvais acteur en partant, mais on voit le talent de chaque performance crever l’écran. Chacun des acteurs, et même des figurants, est monté sur un piedestal et on t’entend presque nous chuchoter à l’oreille à chacune des répliques de Riley Keough ou de Katie Holmes « regardes comme elle est bonne, c’est vraiment une super actrice tu trouves pas? » Et on est d’accord avec toi, même quand le personnage est pas super bien écrit, comme celui de Katie, elle brille pareil, elle transperce l’écran.
TOUS tes acteurs transpercent l’écran dans cette merveille de film. C’est une lettre d’amour aux acteurs. Et ça fait chanter mon âme de spectatrice.
Je suis assise dans mon salon, et je regarde aller une bande de trailer trash avec des accents à couper au couteau et des factures impayées, mais j’ai l’impression d’assister à une symphonie avec un orchestre composé entièrement des meilleurs solistes de chaque instrument, mais ils fonctionnent parfaitement en orchestre. Ce qui, pour ceux qui connaissent pas le milieu de la musique classique, est quasiment impossible. Steven Soderberg, tu es un chef d’orchestre de génie. Tes acteurs et tes personnages sont tous des premiers rôles dans ton coeur et ça parait à l’écran.
J’en vient à la conclusion que tu dois être un estie de bon gars, parce que ça prend une générosité particulière pour accorder autant d’énergie partout.
Tu as toujours un certain inconfort dans l’écriture des personnages féminins, mais ton film est tellemet bien fait, que ça ne saute pas aux yeux comme dans Haywire ou Side Effect. Et c’est beaucoup moins pire. Possible que ce soit l’expérience, mais moins de pressions du studio peut aussi t’avoir libéré de l’obligation de rendre la docteure plus sexy pour que l’intérêt de Jimmy soit plus « justifié ». C’était pas nécessaire, et tu l’a compris.
Est-ce que je suis en train de te dire que je commence à comprendre que si la soeur d’Adam et la fuck buddy de Mike dans le premier Magic Mike étaient aussi fucking horribles, c’est parce que le studio voulait un personnage « moral » pour servir de compas et une « salope » pour justifier le choix de Mike de « changer sa vie »? C’est une nouvelle hypothèse que j’ai, en effet. Je pense que si un studio avait produit Logan Lucky, Mellie aurait été obligée de montrer ses seins pour détourner l’attention d’un surveillant à un moment donné. Mais la Mellie qu’on a eu est hyper sexy, sans aucune hésitation, mais elle est clairement sexy selon ses propres termes, et pas ceux d’un autre. Assumer sa sensualité et l’annoncer sur un billboard, c’est pas la même chose. C’est très très bien fait ici.
L’avantange d’un bon directeur d’acteur, c’est que les comédiens sont en confiance et ils se laissent aller. Et Daniel Craig et Adam Driver se laissent aller à fond dans ce film. Avant la sortie de Knives Out, j’aurais dit que Joe Bang est la meilleure performance de Craig en carrière. Maintenant, elle est ex aequo. Mais prend le pas comme un échec, Johnson a clairement appris à diriger ses acteurs en regardant tes films. Joe Bang vole la vedette de ce film. La famille Logan est au coeur de l’intrigue, mais on veut que Joe Bang gagne autant, sinon plus, que Jimmy, Clyde et Mellie. Mais Joe n’est pas un bon gars, comme les Logan! C’est un croche, c’est un criminel, je ne laisserais JAMAIS mon verre sans surveillance s’il est dans le même building que moi. Et pourtant… On veut quand même qu’il gagne. Il est juste trop savoureux à voir aller. Craig mets tout son charisme dans son poseur de bombes épais, mais génial en même temps. J’adore Joe Bang.
Et Driver… Wow. J’aime pas Leah Dunham, j’ai pas regardé Girls, donc j’avais juste Kylo Ren comme référence, ce qui est loin d’être un rôle avec lequel on peut juger du talent d’un acteur, le personnage étant un ado immature. Mais son Clyde ici est PAR-FAIT. Le deadpan digne d’Aubrey Plaza, Reine du deadpan, la menace et la violence potentielle du personnage qui couve sous la surface, mais qui ne sort jamais. On sent le contrôle que Clyde a sur chacune de ses actions. En surface, il est le petit frère obéissant, mais sa loyauté n’est pas gratuite, la confiance qu’il a en Jimmy est justifiée au point que quand ils ne se parlent plus, c’est une catastrophe pour l’audience. Et quand arrive la finale, on se sent tellement soulagés. Et on repense à Clyde et à ses agissements, et on réalise que Driver avait le contrôle parfait de Clyde au point où son non verbal prend un sens nouveau, une fois les infos de la fin clarifiées. Mais quand on pensait que la chicane était pognée, son non verbal marchait quand même, et on s’est fait prendre au piège! C’est de l’intériorisation du personnage à un niveau de Grand Maître. Un pur délice.
Chacun des personnages centraux de ce film est à la fois un idiot et un génie. Mellie est baveuse et superficielle, mais son focus sur la route et son sang froid sont extraordinaires. Clyde est naïf, mais on peut se fier sur lui à 100000%, tu peux lui confier ta part de gâteau au fromage à surveiller sans hésiter une seconde, pas une molécule de cette part ne sera dérangée jusqu’à ton retour. Jimmy est un loser, mais il est foncièrement honnête (oui oui, vous avez bien lu) et il est beaucoup plus intelligent qu’il n’y parait. Il a le cerveau de Dany Ocean, mais pas son ambition. Jimmy ne veut pas être riche, il veut juste une chance de prendre sa vie en main. Son ambition raisonnable est au coeur de la réussite du plan.
Profitons pour rammener au sujet central qui justifie cet ajout à la tradition du Grand Visionnement: Ta muse, mon Steven, et une des miennes: Channing Tatum.
Tatum est l’acteur parfait pour les films de Soderberg, c’est pas nouveau. Ton style de dialogue « naturel » est parfaitement maîtrisé par notre homme. Jimmy est le coeur de ce film, mais il est au second plan. C’est le tronc de ton film. Craig, Driver, Keough et les autres sont le feuillage. On s’extasie sur les belles couleurs des feuilles, mais sans le tronc, elles ne seraient pas visibles pour tous. Accepter ce genre de rôle n’est pas donné à tous les acteurs. Un Tom Cruise aurait rué dans les brancard en voyant le produit fini. Mais Tatum est un joueur d’équipe et il donne lui aussi son tout à ce personnage tout en sublitlité. Jimmy ne brille pas, mais c’est sa FORCE. Jimmy est le gars qui se cache derrière un Joe Bang et lui laisse l’illusion qu’il mène, parce qu’il sait qu’au final, il aura plus facilement ce qu’il veut et que l’attention sera sur Joe si ça chie.
La première fois qu’on regarde le film, on passe le running time au complet à se demander si ce gars sait ce qu’il fait. Et à la fin, on a une réponse, mais… Et la seconde fois, on remarques autre chose et la réponse change, et encore, et encore, et encore… Il est complexe sous toute cette simplicité le Jimmy. Mais c’est un maudit bon gars. Vraiment un maudit bon gars. Et Tatum assume cet aspect de son personnage sans aucun égo, il laisse la place à Daniel, Adam et Riley pour qu’ils étendent leurs ailes et brillent en avant, il est très bien dans sa job de tronc qui soutient les feuilles. C’est une facette de cet acteur que j’ai toujours adoré, il est intéressé par des rôles pour le rôle, pas pour le potentiel d’attention qu’il va lui offrir. Un acteur moins empathique aurait demandé que Jimmy soit plus leader, que son rôle soit plus juicy, d’avoir des brillants. Mais ça aurait gâché Jimmy. Jimmy veut reprendre son dû à la Société, il est pas intéressé à lui donner une leçon. Il n’est pas gourmand, c’est le secret de sa réussite. Et Tatum et toi, vous l’avez parfaitement traduit à l’écran.
Logan Lucky est ton film entièrement à toi, Steven, et je pense que c’est ton Chef D’œuvre. Je pense que dans les classes de cinéma, les profs superficiels vont enseigner Ocean et Erin, mais les bons profs vont enseigner Logan Lucky. Parce que ce film est la quintessence de ton talent de réalisateur, et c’est une merveille.
Et c’est pourquoi je tenais à m’excuser pour ce que j’ai dit de toi dans mes Visionnements précédents. Je t’ai mal jugé. Mea culpa.
Sans rancunes,
Matante Elise.
P. S. Passes mes remerciements à Adam et Channig pour cette photo, c’est aussi une merveille.

En décembre, nous allons débuter le Grand Visionnement le plus Grand de tous les Grands Visionnements. Si vous pensiez que j’étais Fangirl de Tom Hardy et de Channing Tatum, vous avez rien vu, ils n’étaient que les entraînements nécessaires pour trouver ma voix afin de m’attaquer à mon Idole Suprême. L’amour de ma vie, fantasme de mes nuits, LE gars le moins imparfait de l’Univers, le popotin de l’Amérique selon Paul Rudd et moi:
Chris Evans.