Fais-moi mal! (Introduction au kink)

« Dirty babe!
You see these shackles baby I’m your slave,
I’ll let you whip me if I misbehave,
It’s just that no one makes me feel this way…” 

-Justin Timberlake, “SexyBack” FutureSex/LoveSounds (2006)

Je voulais écrire sur le BDSM (Bondage and Discipline / SadoMasochism) et les relations Dominant/soumis (D/s) cette semaine, avec la sortie de “50 Nuances de FUCK NO” en salles samedi prochain. Mais mes recherches des dernières semaines m’ont fait découvrir 2 choses :

1- “50 Nuances de Propagande Puritaine” est un livre encore plus tordu et toxique que je pensais. (et on parlera pas des suites, qui sont pires)

2- Il y a tellement de choses à dire et tellement plus dans une relation D/s que les trips de chambre à coucher, c’est un sujet ÉNORME et je ne me sens pas de taille à vous faire un exposé complet.

Je vais donc continuer à me renseigner plus avant de vous faire un (ou 12) cours 101 sur le BDSM. (Et je vais probablement continuer à régulièrement insulter E. L. James et ses personnages sur Facebook au cours de ces recherches, désolée, c’est plus fort que moi, vous savez combien Matante a les préjugés et la désinformation en horreur!).

Cela dit, amateurs de sensations fortes, vous ne serez pas entièrement laissés sur votre appétit. On va vous donner une tite introduction au kink en général et au BDSM en particulier.

Note : la majorité des infos que je vous donne ici viennent du twitter et du blogue de Arden Leigh, qui est une “service submisive” et une ancienne dominatrice professionnelle (@ardensirens, http://ardenleigh.typepad.com/) de ceux de Dr Nerdlove, qui en sait un peu plus long que moi, mais est tout comme moi, très transparent sur son degré d’ignorance (@DrNerdLove, www.doctornerdlove.com), mais surtout, du livre de l’éducatrice sexuelle Midori “Wild Side Sex : The Book of Kink: Educational, Sensual, And Entertaining Essays”.

“Book of kink” est un livre superbe, sous forme d’essais parfois techniques, philosophiques ou de scènes érotiques qui ouvrent une porte sur le monde du kink d’une façon ludique et fascinante. Je recommande fortement, mais soyez avertis, ce n’est pas pour les sensibles, on y parle de domination, de douleur érotique, de sexe en publique, de golden showers et autres pratiques non traditionnelles, vous devez écarter tout jugement de votre tête avant de le lire. 10 $ en version kindle sur Amazon, pas cher du tout. Lien Amazon 4 étoiles Matante Elise.

Tout d’abord, le kink est un terme englobant tous les intérêts sexuels en dehors de la définition du “sexe vanille”, le sexe vanille étant toutes les pratiques sexuelles considérées comme normales par la société. Le kink comprend les pratiques sadomasochistes, la domination, le role-play sexuel, l’échangisme, toutes les formes de fétichisme, le bondage et j’en passe. (Non, l’homosexualité n’est pas un kink, arrivez en 2015 Calvaire.)

Quelques personnes comparent le kink à une orientation sexuelle. Je pense pour ma part que c’est plus ou moins vrai. Pour certaines personnes, il s’agit de leur façon de vivre, par exemple les D/s qui vivent leur mécanique sur une base 24/7. Pour certains, c’est la seule forme de sexe qui les intéresse. Pour d’autres, c’est un complément à leur sexualité et une façon d’échapper à la pression de la vie quotidienne, le sexe vanille étant tellement intrinsèquement tissé de conventions sociales, le kink est leur petite île où échapper aux exigences de la société. Pour d’autres, c’est une pratique ponctuelle, pour épicer la vie de couple et approfondir leur intimité. On ne peut donc pas étiqueter une personne de Kinky, pas plus qu’on décide du degré d’homosexualité d’une personne. Chacun a ses propres limites et ses propres goûts et pour certains, l’intérêt pour le kink peut être de 0 %, et c’est très normal. Pour d’autres, il peut être de 80 % et c’est tout aussi normal. Bref une échelle de Kinkyness semblable à celle de Kinsey sur l’orientation sexuelle serait probablement appropriée.

Ce qu’il faut tout d’abord comprendre, c’est que dans le kink, comme dans toute forme de pratiques sexuelles, l’improvisation n’est pas vraiment la meilleure façon de fonctionner. Un peu de spontanéité peut être hot, mais trop d’histoires de gens qui se sont retrouvés dans le trouble parce qu’ils ont essayé de faire leur petit “50 Shades” sans se renseigner, ou pire en prenant le livre comme exemple (sérieux, le bondage avec des attaches à câbles? Calvaire, tu veux qu’elle se ramasse à l’urgence avec des nerfs détruits ou qu’on doive lui amputer une main?) tapissent les émissions de “What the fuck is wrong with you?” toutes les semaines. Si votre kink se termine au poste de police (comme ce couple qui voulait jouer un scénario de kidnapping DANS LE PARKING D’UN MC DONALD) ou nécessite l’intervention des pompiers (comme la jeune femme russe, qui s’est retrouvée la tête prise entre les barreaux de la rambarde lors d’un doggy style dans l’escalier de son bloc-appartement) ou finit à l’urgence (un hôpital de Grande-Bretagne publie chaque année une liste des différents objets coincés dans différents orifices qu’ils ont retirés dans les 12 derniers mois, à la fois drôle et horrifiant), vous ne vivez pas bien votre kink. La sécurité et le bien-être des deux partenaires doit être votre souci numéro deux (le consentement est et restera toujours le numéro un, mais j’y reviendrai.) et les sex-shops regorgent de toutes sortes d’accessoires faits expressément pour assouvir votre soif de kink de façon sécuritaire et agréable. La majorité des sex-shops ont des sites internet avec peu de frais de livraison et des boîtes discrètes, le facteur ne saura même pas que vous avez acheté un fouet et un masque à zipper, donc ne me sortez pas la gêne comme excuse, franchement, c’est totalement ridicule. Et si vous avez les moyens de vous payer des consoles de jeux vidéos et un écran HD, vous avez un 30 $ pour un buttplug de qualité, rentrez les toys dans votre budget divertissement. MATANTE A PARLÉ!

Votre soif d’aventure s’arrête là où le bien-être des autres commence. Je parles ici de consentement INFORMÉ ET ÉCLAIRÉ (et non pas manipulé et imposé) des DEUX partenaires, mais aussi de garder en tête la présence d’autres personnes, si votre kink implique un endroit public. N’oubliez pas que la grossière indécence est un crime, tenez-en compte dans le choix de votre endroit (moins de chance qu’on appelle la police si vous baisez dans les toilettes d’un bar que dans celles du Tim Hortons) et, peu importe où vous le faites, essayez d’être discrets. Votre vie sexuelle ne concerne pas tout le monde dans la bâtisse ou le quartier. Le thrill après tout, vient du fait de ne pas se faire prendre pendant qu’on se fait prendre…

Certaines personnes croient que les scénarios de Dominance-soumission et l’utilisation de la douleur dans un contexte sexuels peuvent encourager les relations abusives. Je ne nierai pas qu’il y a des agresseurs qui peuvent utiliser le BDSM comme excuse (E.L. James en a un parfait exemple dans son livre et elle le fait passer pour un héro romantique, la conne…). Cela étant dit, ne vous méprenez pas, si le BDSM n’existait pas, ces gens seraient abusifs quand même. La proportion n’est pas plus élevée qu’ailleurs. Et à la base, la culture BDSM est extrêmement respectueuse ouverte et égalitaire (ouais, je sais c’est paradoxal quand on parle de soumission et d’humiliation comme étant des parties intégrantes de l’expérience). Laissez-moi vous expliquer avec l’exemple de Midori, qui compare la relation D/s à un tango, et je trouve le parallèle excellent. Il y a un leader et un suiveur, leurs rôles sont très bien déterminés, mais ils sont 100 % égaux dans la danse et la danse ne peut être bien exécutée sans leur collaboration libre et consentante. Si un des participants est crispé et danse à corps défendant, le tango ne fonctionnera pas. Mon amie Johanne, qui est une amatrice de Salsa (la danse, pas la trempette) a toujours dit que le gars mène la danse, mais c’est sa job de faire bien paraître sa partenaire, de la mettre en valeur et de s’assurer qu’elle s’amuse à danser. C’est exactement comme ça qu’une relation BDSM saine doit fonctionner. Encore et toujours, un consentement libre et éclairé est essentiel à une relation réussie.

Certaines études disent que la pratique du bondage aide à faire baisser le taux d’anxiété et on sait déjà que la réponse neuronale à la douleur est très proche de celle du plaisir, ce qui peut expliquer l’intérêt pour le masochisme. L’intérêt pour la sexualité hors-norme n’est pas le résultat d’abus dans l’enfance (ok E.L. James???) ou le signe d’un problème psychologique (le DSM V a enfin retiré le BDSM de sa liste troubles de nature sexuelle, en faisant la disticntion entre le comportement et la pathologie.) Beaucoup de soumis parlent avec enthousiasme de la liberté qu’ils ressentent à abandonner le contrôle et d’avoir des règles claires et précises sur comment satisfaire leur Maître, contrairement a l’anxiété d’avoir la responsabilité libre et sans contrainte du plaisir d’un autre. Pas besoin d’essayer de lire dans les pensés de son partenaire, tout est clairement expliqué, dans les détails, une énorme pression en moins. (Hé! vous vous souvenez des 300 000 fois où je vous ai vanté les vertues d’une communication franche et claire dans la chambre à coucher?) Les dominants ont en général pour objectif de contrôler leur partenaire dans le but de le faire jouir, et non pas pour leur plaisir personnel. Ils obtiennent leur satisfaction à voir l’abandon et le plaisir de leur soumis, et non pas dans la prise de pouvoir en tant que telle. C’est là qu’est la clé d’une vraie relation D/s et c’est cette subtilité que Monsieur et Madame tout le monde ne comprennent pas. Même dans le cas des esclaves de services (où le kink se base dans une soumission de service hors de la chambre à coucher dans l’exécution de tâches pour satisfaire le Dominant) le soumis offre ses service comme preuve d’amour et de dévotion, comme on offre un bouquet de fleurs à sa copine. Les fleurs en tant que telles n’ont pas d’importance, c’est le symbole qui compte. Le temps qu’un soumis passe à cirer les bottes de son Maître est un symbole d’affection et un bon Dominant va comprendre ce principe, le respecter et y répondre. La D/s n’est pas une pratique abusive en soit, comme toute interaction sociale, elle est dépendante des intentions des participants. Et ici, comme dans toute forme de sexe LA PORNO N’EST PAS LA RÉALITÉ OK????

Le kink peut devenir un art de vivre complexe, et la communauté est très active, il y a des dizaines de livres sur tous les sujets. Il y a aussi, pour les sérieusement investis, des colloques où on peut aller suivre des formations sur les protocoles de mises en collier (le port d’un collier style “collier-de-chien” par le soumis est souvent considéré comme le signe officiel du début d’une relation D/s), sur l’art du fouet érotique, le bondage, les pinces, le sexe en publique et toutes sortes d’autres sujets concernant la sexualité hors-norme. Il n’est pas absolument nécessaire de faire un cours pour devenir un Dominant ou un soumis, ou pour apprendre à fouetter votre chum dans la chambre à coucher, mais de grâce, n’improvisez pas non plus. Il y a plein d’informations techniques sur internet, et si vous voulez en savoir plus, je vous recommande d’aller jeter un coup d’oeil sur le site KinkAcademy. Vous y trouverez plein de vidéos instructifs et des forums ou des pratiquants peuvent vous donner des trucs pour vous laisser aller dans la joie et le plaisir.

Je parlerai plus en profondeur de certains aspects du BDSM dans de futurs billets (les différents concepts comme la récompense retardée, l’intérêt du système de punition et comment le protocole et la prise de contrôle sont des excitants), mais ce sera tout pour aujourd’hui.

Et si votre intérêt n’est que fantasmique, c’est très bien aussi, mais au lieu de lire la bouillie mal informée de E.L. James, lisez donc les classiques du Marquis de Sade, ou la série des mésaventures de La Belle au Bois dormant d’Anne Rice, ou encore le livre The Boss, d’Abigail Barnett (en anglais seulement, mais gratuit en format Kindle sur Amazon, je recommande fortement, j’ai adoré, et à ce prix là, même si vous décidez que c’est pas votre truc, c’est pas grave!).

Et le 20 $ que vous vouliez mettre pour aller voir « 50 Shades » en fin de semaine? (oui 20 $ essayez-pas, je sais que vous alliez prendre le méga sac de M&Ms et un petit coke). Mettez-le donc de côté pour un achat futur de Ball gag ou de palette à fessée à la place, ou encore mieux, donnez-le à un organisme qui s’occupe des victimes de violence conjugale, comme cette pauvre Anastasia.

Vous avez une question dont vous voudriez que Matante discute? Quelque chose vous chicotte et vous aimeriez avoir une opinion ouverte et respectueuse? Écrivez à Matante, votre question sera traitée anonymement sur le blogue. Peu importe le sujet, je suis curieuse et j’aime aider. RealMatanteElise@gmail.com