Steve Carrel est un acteur de génie.
Foxcatcher
Rôle : Mark Schultz
Hé, Sienna Miller est dans celui-ci aussi, mais elle joue sa belle-sœur avec qui il ne s’entend manifestement pas, donc le manque de chimie tombe bien!
Foxcatcher va vous rendre mal à l’aise. Très mal à l’aise. C’est normal et c’est voulu. C’est l’antithèse complète d’un film joyeux. Mais c’est un EXCELLENT film.
Réalisé par Bennett Miller (non, pas Bette Midler, Bennett Miller, le réalisateur de Capote et Moneyball) le film a eu 5 nominations aux Oscars en 2014 (réalisateur, acteur pour Steve Carell, acteur de soutien pour Mark Ruffalo, meilleur scénario original et meilleurs maquillages).
Ce film raconte une histoire vraie, celle de Mark (Tatum) et Dave (Ruffalo) Schultz, deux frères champions olympiques de lutte. Quelque temps après que Dave et lui aient tous les deux gagné l’or aux jeux Olympiques de Los Angeles, Mark est approché par le multimillionnaire John du Pont (Carell). Du Pont lui offre de venir s’installer sur son domaine, Foxcatcher Farm, avec son frère et une équipe de son choix pour s’entraîner pour les championnats mondiaux et les Olympiques de Séoul. Du Pont s’occupera de les loger et défrayera tous les coûts de l’entrainement. Parce qu’il est un passionné de lutte.
Dave refuse de déraciner sa famille, mais il encourage Mark à saisir cette chance. Mark part donc s’installer à Foxcatcher Farm. Il se rapproche de du Pont et le considère éventuellement comme un ami.
Avec le temps toutefois, la personnalité de du Pont se révèle de plus en plus sombre et abusive et les conséquences pour Mark et Dave seront dévastatrices.
Alors, si vous ne voulez pas de spoilers, arrêtez ici et allez voir le film.
Ok non, spoiler ou pas, allez voir le film. Il est sur Netflix. C’est un EXCELLENT film. Pas violent (bon, à part les scènes de lutte), mais psychologiquement drainant et superbement réalisé. C’est un film d’atmosphère et c’est, à mon avis, du travail de réalisation de Grand Art. Les acteurs sont tous géniaux, je recommande énormément.
Mais ne regardez pas ce film une journée où vous filez mal. Ce n’est pas un film qui va vous réconcilier avec la vie…
Vous reviendrez ensuite lire le reste de mes commentaires.
Après avoir vu Foxcatcher, j’ai dit sur Facebook que c’était le deuxième film sur des frères pratiquants des sports de combat qui m’avait fait pleurer cette année, après Warrior. Mais c’est à peu près la seule chose que ces films ont en commun. Warrior était un film sur la rédemption, Foxcatcher est une descente subtile aux enfers.
Les frères Schultz s’aiment profondément et Dave est très expansif envers son petit frère. Il le serre dans ses bras et lui dit constamment qu’il l’aime, il l’écoute et le soutien avec patience. Si Mark peut parfois sembler un peu frustré que Dave soit le seul qui soit reconnu entre les deux, il n’est pas agressif envers son frère avant sont arrivée à Foxcatcher Farm (bon, ok, il passe peut-être un peu de sa frustration sur Nancy, la femme de Dave), il a confiance en lui et il se tourne vers lui lorsqu’il décide qu’il doit échapper à l’équipe Foxcatcher.
Non, le conflit du film n’est pas entre les frères Schultz. Il est entre les deux oreilles de Mark. Et surtout, surtout, entre celles de John du Pont.
Joss Whedon a dit dans le commentaire de Serenity qu’il aimait engager des acteurs comiques pour faire des scènes dramatiques à forte portée émotionnelle. Le sens du timing et de la gradation avec lesquels les comiques travaillent sont très appropriés pour créer une réponse émotionnelle chez les spectateurs.
Foxcatcher semble prouver cette théorie. J’ai beaucoup parlé ici et sur les médias sociaux de mon opinion que Channing Tatum est un acteur comique. Je sais, il est surtout engagé pour des rôles d’action, à cause de sa belle gueule et de ses capacités physiques. Une formation en danse est très utile quand vient le temps de faire des scènes de batailles (on en reparlera aussi quand je vous ferai mon inévitable Grand Visionnement Chris Evans). Mais les meilleures performances de Tatum sont dans des comédies, ou des moments comiques dans ses films d’action. (voir mon commentaire sur ses 20 minutes dans Retaliation).
Steve Carell est aussi un acteur comique. Et lui et Channing sont tout simplement époustouflants dans ce film. OK, le maquillage les transforme tous les deux en personnages inquiétants, mais toute leur attitude est aussi très insécurisante, tout le long du film.
Mark débute le film un peu désœuvré, il fait une présentation dans une école à la place de son frère et se sent obligé de préciser à la secrétaire qu’il a lui aussi gagné l’or aux Olympiques. On voit Dave s’entraîner avec lui, lui faire un câlin, s’inquiéter pour lui, mais Mark semble tolérer ces marques d’attentions sans y répondre.
Sa rencontre avec du Pont semble le sortir un peu de son apathie. Et le refus de Dave de le suivre, s’il semble d’abord l’insécuriser un peu, est bénéfique. Pour la première fois de sa vie, Mark est le centre d’attention de quelqu’un (Dave ne compte pas, c’est son frère). Du Pont l’admire et le prend sous son aile. Ils ont tous les deux une obsession pour la lutte et un patriotisme limite fanatique. Il lui donne confiance en lui.
Et il lui fait découvrir la coke. Ça donne aussi de la confiance en soi, la coke…
La trahison est donc double lorsque John lui tourne le dos et exige d’avoir Dave. Les échecs subséquents de Mark, sa perte de contrôle et sa grosse crise nerveuse aux qualifications pour les Olympiques de Séoul sont le résultat direct de son impression d’avoir redescendu à la case départ. Et c’est la patience, et oui, l’amour de Dave qui va lui permettre de passer au travers et de se sortir de l’atmosphère malsaine de Team Foxcatcher.
John du Pont va vous donner froid dans le dos. C’est un personnage très distant, qui semble considérer le monde autour de lui avec une vision d’entomologiste. C’est-à-dire que tout ce qu’il y a autour de lui, c’est des insectes.
Au départ, on se dit que c’est une réaction typique de quelqu’un qui a grandi dans la richesse. Du Pont est habitué à avoir tout ce qu’il veut et que les gens lui lèchent les pieds en lui répétant que ça goûte le chocolat.
Mais ça va plus loin que ça. À plusieurs reprises, je me suis mise à avoir franchement peur pour Mark. Une scène au tout début, où John arrive en pleine nuit au chalet où il a installé Mark et le réveille pour lui parler m’as donné une franche impression de mononcle cochon. J’avais envie de regarder ailleurs, parce que j’avais peur que ça finisse en séance de touche-pipi non consentant.
Cette impression n’est pas améliorée par le fait que la lutte olympique consiste à se pogner de façon légèrement homoérotique… Et Bennett Miller en remet une couche dans les scènes d’entrainement entre Mark et John.
Mais non, du Pont est un monstre, mais pas ce genre de monstre là.
Sa relation froide avec sa mère, assez typique dans ce genre de famille, est elle aussi un peu en dehors des conventions habituelles. Il a toutes les attitudes du gosse de riche qui veut l’approbation d’un parent exigeant, mais elle semble en même temps aussi être un insecte à ses yeux.
John du Pont a été reconnu coupable d’homicide involontaire pour cause de maladie mentale (aux États-Unis, l’expression « mentaly ill » peut-être utilisée lors d’un verdict de culpabilité, alors que les verdicts de non-responsabilité utilisent le terme « insanity »). Les experts ont parlé de paranoïa qui aurait poussé John à agir, mais que du Pont était totalement conscient de ce qu’il faisait lorsqu’il a tiré à répétition sur Dave Schultz (SPOILER!). La lecture de sa biographie sur Wikipédia donne froid dans le dos. Le film est une version édulcorée, le bonhomme était VRAIMENT dérangé.
Bennett Miller a donné des instructions très précises à Carell, il ne devait pas fraterniser avec ses collègues entre les prises ou après la journée de travail. C’est inhabituel, les acteurs passent souvent du temps ensemble sur un plateau et en dehors des heures de travail. Mais cette méthode a payé au centuple ici. John du Pont semble venir tout droit d’une autre planète et tous les personnages sont mal à l’aise quand ils sont en sa présence.
Tatum et Ruffalo en ont aussi bavé beaucoup sur ce film. Dès la fin de la journée de tournage (qui commençait très tôt, à cause du maquillage pour leur donner un visage aplati façon lutteur), ils partaient s’entraîner à la lutte pendant plusieurs heures. Tellement que Channing a admis en entrevue que lors de la dernière session, ils se sont tous les deux mis à pleurer d’épuisement.
Encore là, c’est dur, mais ça paye. Les athlètes de niveau olympique ont des vies totalement inhumaines et ça ressort dans l’attitude des deux acteurs à l’écran. La seule chose qui les intéresse, le centre de leur vie, leur seule façon de communiquer et d’être vraiment proches, c’est la lutte.
Et pour rappeler Warrior, le film fini sur Mark, entrant dans la cage pour un combat de UFC après sa retraite de la lutte de compétition.
Mark Schultz fait partie du panthéon de lutte compétitive (tout comme son frère qui a été nommé de façon posthume) et est considéré comme le meilleur lutteur à avoir fait carrière dans le Ultimate Fighting Championship.
Il est maintenant entraîneur de lutte dans l’Oregon.
John du Pont est mort en prison en 2010.
Foxcatcher est un EXCELLENT, EXCELLENT film. 5 étoiles matante Elise. Il est sur Netflix.
La semaine prochaine, on retourne aux navets. Channing va sauver le président Jamie Foxx qui n’a pas appris une leçon de vie primordiale :
On ne fait jamais, jamais, JAMAIS confiance à James Woods.
On regarde White House Down.
Et on va jouer au Bingo Roland Emmerich!
Une réflexion sur “Le Grand Visionnement 2015 Partie Onze: Channing Tatum: Foxcatcher”